Projet de construction d'un canal de Marseille au Rhône.

Revue Le Cosmos 20 juin 1896 article de P.Viator

La situation géographique de Marseille, quelque heureuse qu'elle soit sous bien des rapports, présente cependant une anomalie à laquelle on avait fait peu attention jusqu'à ces dernières années. La plupart des grands ports sont situés aux embouchures des fleuves. Les voies fluviales sont en effet, même à notre époque de chemins de fer, les principales voies de pénétration commerciales dans l'intérieur des terres. Il en est ainsi de Londres, Anvers, Hambourg, le Havre, Bordeaux, Calcutta, Shanghai, Montevideo, etc…
Marseille, qui occupe le huitième rang parmi les grands centres commerciaux du monde, est une des rares exceptions à cette loi.
C'est sans doute que le delta du Rhône, irrégulier et d'une mobilité excessive, était difficilement praticable.
On a essayé il y a quelques années, de fonder une ville industrielle et commerçante sur la branche principale du Rhône, dans le golfe de Fos. L'état consacra une vingtaine de millions (50 millions d'€) au creusement d'un canal mettant en communication le port St Louis avec la mer. Mais le nombre des établissements fondés est des plus restreints, et le golfe de Fos tend à s'envaser pendant que le delta gagne sur la mer.
Le percement des Alpes, d'abord par le tunnel du Mont Cenis, et celui du St Gothard puis par celui prochain du Simplon qui est à l'étude, détourne le trafic de Marseille au profit de Gênes.
Les habitants de Marseille ne voient qu'un seul remède à cette situation inquiétante. C'est la jonction de leur port à la grande voie fluviale qui débouche si près d'eux, au Rhône.



Le canal projeté doit avoir 54 km de longueur. Il partira du Bassin de la Madrague, à l'extrémité nord du Port de Marseille, pour aboutir dans le Rhône, à l'écluse du Bras-mort, à une dizaine de kilomètres en amont de Saint Louis.
En quittant Marseille, ce canal longera la côte devant le cap Janet et l'Estaque jusqu'à la pointe de la Lave. Il sera abrité, du côté de la mer, par une digue extérieure construite, à petite distance du rivage. Ensuite, le canal traversera le massif montagneux de l'Estaque par un tunnel de 7500 mètres et débouchera à Marignane dans l'étang de Bolmon contigu à l'étang de Berre. Il passera près du Cap des Trois Frères où sera créé le Port de la Mède et arrivera à Martigues qu'il traversera par le canal du Roi. Là, il empruntera le canal maritime entre Martigues et Port de Bouc, puis une partie du canal d'Arles à Bouc qui sera élargi. Ensuite, le canal se dirigera en ligne droite vers le Rhône où il aboutira à l'Ecluse du Bras Mort.
Entre Marseille et Port de Bouc, le plan d'eau du canal est au niveau même de la mer, mais par suite de la différence de niveau qui se produit parfois entre l'Etang de Berre et la mer, un courant gênant pour la navigation pourrait s'établir. Aussi une écluse est-elle prévue à Marignane. Il y aura deux autres écluse, l'une à Port de Bouc, l'autre à l'entrée du canal dans le Rhône.
En résumé, nous croyons que le canal du Rhône à Marseille répond à un besoin réel et urgent de notre commerce méditerranéen ; c'est une œuvre importante qui ne procurera que des avantages, bien différente en cela de quelques projets plus bruyants que sérieux risquant d'engloutir dans des débâcles dignes de celle de Panama, les capitaux privés ou le budget de l'Etat.

En septembre 1903, la même revue "Le Cosmos" revient par la plume de Monsieur
L. Reverchon, sur ce projet de canal, toujours reporté, faute du vote de crédits suffisants. Le Sénat vote un crédit de 71 millions sur les 92,5 nécessaires (177,5 millions d'€ sur les 231 nécessaires). M. Reverchon note que si le projet est maintenu, ce sera avec une réduction de gabarit du canal.
Le mois suivant, toujours dans "Le Cosmos", un auteur resté anonyme complète le point de vue de M. Reverchon en montrant en quelques phrases que le problème ne réside pas dans la création d'un canal, la jonction maritime entre Marseille et Saint Louis étant tout à fait fonctionnelle, et que le problème qui se pose réellement est celui de la navigabilité du Rhône en amont de Tarascon, et surtout d'Avignon.
Le tunnel du Rove, qui met en communication l'étang de Berre avec la baie de Marseille fut percé en 1923. A la suite d'un éboulement survenu en 1963, il a été fermé.

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