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Lundi
28 juin
2004, à 7 h 20, "d'argile et d'eau", sort de
l'écluse de
Châlons en Champagne, direction Namur en Belgique.
Un trajet évalué à une dizaine de
journées
de navigation, à partir des commentaires de mes amis
mariniers,
et d'un relevé précis des distances et des
écluses
à passer : 324 km et 107 écluses
Sans dénoncer le moins du monde la banalité du
trajet,
j'ai retenu deux sections de cette longue promenade,
l'échelle
d'écluses qui, entre Rilly sur Aisne et Le Chesne, nous
élève de presque 80 m en
9 km, et la merveilleuse Vallée de la Meuse entre Pont
à
Bar et Namur
J'aime
toujours
énormément la montée vers le bief de
partage du
Mont de Billy, sur le canal de la Marne à l'Aisne, qui
permet
à travers un
paysage magnifique, de franchir par huit écluses en 11 km,
la
petite colline qui sépare la Vallée de la Marne
de celle
de la Vesle et de l'Aisne.
Paysage rare, car totalement inconnu des usagers de la route. En,
effet, cette région de grande agriculture a
laissé de
chaque côté du trajet sinueux du canal, une petite
bande
d'arbres suffisante
pour que le plaisancier ait l'impression de traverser une profonde
forêt, avant de s'engouffrer dans le tunnel du Mont de Billy,
puis déboucher sur l'autre versant, avec ses immenses lignes
droites
qui nous conduisent à Reims, puis jusqu'à Berry
au Bac en
seulement quelques écluses.
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A
partir de Berry au Bac, le bateau
remonte l'Aisne
canalisée, mais depuis si longtemps, que son cours a repris
les
airs sauvages de beaucoup de nos canaux. |
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Des
surprises
charmantes, comme la
rencontre avec Monsieur Jacky Dana, éclusier à
Condé sur Suippes, qui a fait de son écluse une
merveille
fleurie,
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C'est à l'écluse de Vieux les Asfeld que l'Aisne devient canal des Ardennes. C'est assez amusant d'avoir ainsi nommé ce canal qui, bien que traversant le département qui porte son nom, est encore loin du massif montagneux des Ardennes, et ne fait que se faufiler entre l'extrême nord ouest de l'Argonne et les contreforts de la Thiérache.
L'Echelle d'écluses du Canal des Ardennes
Nous entamons le passage de l'Ecluse n°27 à 10 h 45, le 1° juillet et nous sortirons de l'écluse n°1 à 18 h 15. Seulement une panne à l'écluse 20 que nous mettrons à profit pour casser la croûte. Mes deux marins s'occupent des cordages, et moi, j'essaie d'entrer dans chaque écluse sans toucher- j'y arrive assez souvent - même si c'est sans la maestria des mariniers qui vous alignent une Freycinet devant l'écluse à 4 ou 5 km à l'heure, et entrent sans une éraflure.
Pendant
ces huit heures de navigation, nous
serons
témoins d'un scandale absolu, de négligences
criminelles,
d'un laisser-aller qu'aucune entreprise en France - ni ailleurs- ne
pourrait se
permettre.
Presque chaque écluse est flanquée d'une maison,
construite lors de la création du canal, entre 1823 et 1860,
habitée par des générations
d'éclusiers.
Des maisons en belle pierre dorée, bien
construites, avec la plupart du temps des dépendances, qui
rappellent ces dures périodes où pour
correctement vivre,
les poules, le cochon, les lapins étaient
nécessaires.
Parfois elles sont équipées
d'un four à pain.
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Celle
de l'écluse n°6 est
toute pimpante.
Son fronton porte la date de 1858. C'est la seule habitée,
par
un retraité du service de la navigation, avec un jardinet
fleuri
et parfaitement entretenu. Pour combien de temps encore ?
Je
n'ai nulle intention d'accabler qui que ce
soit, mais
tout de même !Chacune de ces maison coûterait une
petite
fortune à construire. C'est notre patrimoine à
nous, un
patrimoine qu'il
est criminel de laisser ainsi à l'abandon. Abandon parfois
récent, puisqu'on peu encore voir les raccordements au
téléphone et au réseau EDF.
Le cas n'est pas unique, et d'autres maisons d'éclusiers
sont
abandonnées, le long d'autres canaux, mais souvent, et
heureusement, l'administration des VNF à soit
muré, soit
protégé les ouvertures.
Ici, tout est ouvert, soumis à l'invasion de la nature et
des
vandales.
Ne parlons pas du risque d'accidents qui pourraient arriver à des galopins espiègles et explorateurs. Parfois, la solution adoptée par VNF fait frémir. Ainsi, ce tas de décombres à l'écluse n°5, c'était une maison .
Dans
l'Aisne, à la suite d'une
"régionalisation" des voies d'eau, des maisons
éclusières ont été
transformées en
gîtes ruraux. Pourquoi ne pas adopter cette solution sur le
canal
des
Ardennes, dans ce paysage splendide, et se
dépêcher de
l'adopter avant que toutes ces maisons ne soient plus que des tas de
gravats ?
J'entends d'ici un responsable local me dire " Mais notre vocation
première n'est pas de gérer de l'immobilier"
"- Certes, mais alors vos efforts sont entièrement
concentrés sur le fonctionnement du canal, n'est-ce pas, sur
sa
sécurité ?
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Regardez alors la porte aval de l'écluse n°23,: plus de passerelle, des ferrailles rouillées ou même déchiquetées. La porte amont ne vaut pas mieux ... |
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ou
encore, ce curieux franchissement des
câbles
hydrauliques à l'entrée de l'écluse 8
: deux
tréteaux de bureau et du fil de fer. Voyez aussi les éclairages de sécurité, fils à nu et à portée de main !
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"- Arrêtez donc les critiques ! Tout n'est pas si mal. Regardez, à l'écluse n° 20, la belle plantation de rosiers sur bâche plastique. C'est du travail de professionnel, non ?
"- Et nos panneaux tout neufs. La signalétique, ça c'est important !
Mais je m'emporte, je m'emporte. Je ne doute pas un instant que, pour éviter des accidents, la direction locale de VNF veille à faire le nécessaire, ou ne va pas tarder à le faire. Si par hasard un journaliste étranger passait par là, ne pourrait-il pas écrire des choses désagréables sur ce si beau canal des Ardennes ?