Fraudeur sans le savoir (été 2005)

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Francis Dumelie, maitre artisan, poterie du fil de l'eau,contrôle de douane, bateau d'argile et d'eau

Alors que j'étais stationné à Mareuil sur Ay, tout près d'Epernay, sur le canal latéral à la Marne, - un endroit délicieux avec une superbe halte nautique- un douanier a demandé à monter à bord de ma péniche, suivi de peu par quatre autres gabelous, tous en uniforme. Ils venaient de contrôler un bateau stationné sur la halte, et se sont intéressé au mien...Et chacun sait que la douane a tous les droits. Sans le moindre mandat de perquisition, ils peuvent tout visiter, tout ouvrir, tout voir...

Ouverture des capots moteurs, visite des cuves, et ils m'annoncent que je n'ai pas le droit d'alimenter mon moteur avec du fuel domestique, mais seulement du gazole, comme n'importe quelle voiture à moteur diesel.

Je conteste leur appréciation, du fait que j'exerçais une activité professionnelle qui n'a cessé que depuis le mois de mars, puisque je viens de prendre ma retraite, et que d'après les textes : " l'usage de bateaux de plaisance privés n'ouvre pas droit à l'exonération des droits et taxes (TIPP réduite) . Est considéré comme bateau de plaisance celui qui est utilisé par son propriétaire à des fins autres que commerciales "

Je suis sûr de mon bon droit, malgré l'avis de mes six visiteurs qui me réclament rien moins que 543 € plus une éventuelle amende...à titre de rappel sur les trois dernières années (au-delà, il y a prescription fiscale)

Pour eux, mon bateau est une péniche de plaisance. En effet, sur l'acte de vente, elle est désignée comme telle, bien que sur le certificat de bateau, elle soit désignée comme bateau-atelier recevant du public à l'arrêt. Entre les deux qualificatifs, il y a eu d'énormes travaux pour faire d'une ancienne péniche de commerce très agée (construite en 1914) un superbe bateau atelier.

Convoqué à Châlons en Champagne, au siège des douanes, je fournis tous les justificatifs d'achat de fuel, comptes d'exploitation des 5 dernières années, au cas où j'aurais mis de côté quelques factures...,certificat de bateau, vignettes qui jusqu'à la dernière étaient des " 30 jours consécutifs ", avec notés bien sagements tous mes trajets (que je sache, rien en ce qui concerne VNF ne nous oblige à garder ces documents d'une année sur l'autre...)

Nouveau procès verbal.

Quelques semaines se passent, et j'obtiens satisfaction en ce qui concerne mon droit au fuel lorsque j'étais en activité artisanale. Finalement, je devrai régler 179 € somme se décomposant en 108 € de différentiel sur la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) entre fuel et gas oil, 21 € de TVA et 50 € de pénalités car j'ai consommé 300 litres de fuel depuis ma cessation d'activité.

 

Moralité.

Nos voisins belges, hollandais, allemands, ont le droit d'utiliser du fuel de chauffage dans les moteurs de leurs bateaux, qu'ils soient de plaisance ou non. Ils ont le droit d'utiliser leur plein en France, lors de leur arrivée, mais sont contraints sur place de refaire le plein en gas oil. Il en coûte donc le double pour naviguer en France à plus d'un plein de distance de la Belgique...

Le fameux texte règlementaire (arrêté du 29 avril 1970 modifié le 28 juillet 2004) dit bien que l'usage du fuel domestique pour les moteurs est possible pour l'exercice d'une activité commerciale. Terme bien vague, qui d'ailleurs ne nécessite nullement l'inscription au registre du commerce. Les mariniers ne sont pas commerçant, mais artisans. Allons, plus loin. Maintenant en retraite, je souhaite utiliser les 200 mètres carrés de ma péniche en chambres d'hôtes, activité qui ne nécessite aucune inscription à quelque organisme que ce soit, si ce n'est une déclaration à la préfecture, et une déclaration fiscale simplifiée tous les ans. Donc, je dois pouvoir circuler au fuel domestique, non ? J'ai posé la question à mes douaniers, et j'attends leur réponse. De temps en temps, j'écris pour Fluvial. C'est bien une activité commerciale, puisque rémunérée. Donc je dois pouvoir aller jusqu'à la Mer Noire par les canaux et le Danube en partant de ma Champagne avec du fuel domestique dans mon réservoir, puisque je me déplace pour une raison commerciale, non ?

Les Loueurs de bateaux n'incluent pas le carburant dans leur prestation. Ils ont peut-être tort. En effet, l'usage du bateau par le client du loueur l'oblige à remplir son réservoir de gas oil à voitures, puisqu'il est plaisancier. Le loueur qui fait commerce du déplacement de ses bateaux n'aurait-il pas intérêt à inclure le carburant dans son prix de location et faire son plein au fuel domestique ? Son client y gagnerait. Même si les prix se courent après, c'est tout de même moitié moins cher de faire le plein au fuel plutôt qu'au gas oil.

 

Mais rions un peu. Je remplace mon moteur thermique de 160 CV par un moteur électrique de 45 KW qui sera monté sur l'arbre de l'hélice. J'alimente ce moteur électrique par un groupe électrogène de 80 KW. Je suis tout à fait dans la légalité de faire tourner ce groupe électrogène au fuel domestique ou même à l'huile de salade. Hé oui, car je ne mets pas de fuel dans un moteur thermique qui fait DIRECTEMENT tourner l'arbre d'hélice. Ca, c'est de la logique douanière...

Je crois que je vais le faire. Je ne serai pas le premier. M.Sion, de la société Propélec a déjà réalisé cette opération sur un certain nombre de gros bateaux, et même sur une péniche de transport, avec une économie de consommation par ce système de 30 % sur une propulsion classique...

 

Après avoir ri, allons un peu plus loin. Les directives européennes 2003/30/CE et 2003/96/CE demandent aux états d'introduire du biocarburant dans leurs produits énergétiques pour des raisons évidentes de préservation des ressources de carburants fossiles, de baisse d'émission de CO2, et de création de nouveaux débouchés pour l'agriculture.

Et bien en France, il est interdit de faire tourner son moteur diesel, qu'il soit de voiture ou de bateau, avec par exemple un pourcentage variant de 30 à 50 % d'huile végétale brute que l'on peut acheter actuellement entre 0,60 et 0,80 € le litre, alors qu' en Allemagne, on trouve ces huiles (HVB) à la pompe ! On notera que la totalité des moteurs diésel à injection indirecte peuvent tourner avec 100 % d'huile de colza à la seule condition de disposer d'un réchauffeur, l'huile étant plus visqueuse que le fuel. On a malheureusement oublié que Monsieur Diesel a inventé son moteur non pas pour le fuel, mais pour l'huile de lin ! Pour les moteurs à injection directe, il suffit d'avoir une double alimentation : fuel ou gas oil pour le démarrage, et dès que le moteur est chaud, on passe à l'huile... Des kits d'adaptation sont commercialisés dans plusieurs pays européens...

Bien sûr, pas question d'appliquer la TIPP sur ces huiles, ce qui renchérirait leur coût au point de les rendre beaucoup plus chères que le gas oil. D'ailleurs, seulement sur le plan sémantique, ce serait assez drôle de considérer le colza ou le tournesol comme des produits pétroliers...

Mais notre Etat est subtil...Bien qu'en précontentieux avec l' Europe (votez oui, mais sachez que pour nos petits intérêts nationaux nous n'appliquons pas les directives européennes...) pour l'application des directives sus citées, il vient de faire une grande réforme : la TIPP ne s'appelle plus TIPP, mais TIC : Taxe intérieure à la consommation... Malins, nos Enarques, non ?

 

PS de gestionnaire : le contrôle en question a mobilisé la première fois sur le bateau 5 douaniers pendant deux heures, puis 3 pendant encore deux heures pour le deuxième procès verbal dans les locaux de la Douane. Estimons encore à 3 h le travail de consultation de la hierarchie, et encore une heure à deux fonctionnaires pour m'apporter la facture et encaisser mon chèque, soit 21 h de travail pour un chiffre d'affaire de 179 €. Ca, c'est le l'efficacité, non ?

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