Photoemaillage ou photoceramique : redécouverte d'un procédé

C'est peu de temps après l'invention de la photographie que fut mis au point le procédé de reproduction d'une image photographique sur un support céramique (de Camarsac, Lafon: Portraits photographiques sur émail vitrifiés et inaltérables comme les peintures de Sèvres, Paris, l'Auteur, 1868.).
Geymet, Poitevin, ont beaucoup publié sur ces procédés qui utilisaient la propriété d'une gélatine bichromatée à devenir hydrophobe sous l'action de la lumière du soleil, et ce dans une étendue considérable permettant des reproductions en demi-teinte d'une grande finesse.
Le procédé était complexe, et surtout, la taille des reproductions était limitée. Le principal débouché de cette technique fut le médaillon mortuaire, et les portraits sur camées.
Dans l'immédiat après guerre, Kodak était une compagnie considérable, sans doute la première dans la fabrication des produits pour la photographie. Aussi bien en France qu'aux Etats Unis, ses équipes de recherche disposaient de moyens matériels et financiers pratiquement illimités. A Sevran, une équipe de chimistes mit au point un nombre important de produits totalement nouveaux, des polymères photosensibles dont le plus abouti fut baptisé "Cermifax", et la maison Kodak déposa la marque dans les années 60. L'interêt de ces produit par rapport à la gélatine bichromatée était que leur extrême finesse sur le carrelage (quelques microns) permettait de cuire les images sans avoir à retourner après décollement de son support la gélatine, afin que les pigments soient en contact avec la surface du carreau.
Ce fameux Cermifax fut proposé aux photographes pour reproduire des photographies sur carrelage, mais rares furent les professionnels de la photo prêts à se lancer dans l'aventure céramique... Tout aussi rares furent les céramistes capables de devenir des as du développement de films noir et blanc. Assez curieusement, ce cermifax aurait eu un débouché considérable dans la fabrication de semi-conducteurs, puisqu'il permettait la reproduction de traits extrêmement fins, mais le marketing de Kodak était uniquement axé sur la photographie...
Le produit fut abandonné par Kodak, qui en cessa toute commercialisation dans les années 70. Il semblerait que peu de lots de cermifax aient été fabriqués. Le produit une fois broyé à la sortie du réacteur se présentait comme une poudre jaunâtre qui était mise en solution dans un mélange de solvants dont la composition n'apparaissait pas dans les brevets déposés à l'INPI.
Assez curieusement, un salarié de Kodak qui partait à la retraite (il était dessinateur industriel, je crois) a racheté le stock de polymère et celui de sensibilisateur, et a commercialisé sous un nouveau nom de marque : "decorem" faisant croire qu'il en était le fabricant...
J'ai donc commencé mes premiers essais de réalisation avec ce produit en 1983... Le produit était coûteux, plus de 150 € (1091,12 F de l'époque, exactement) le litre de solution de polymère, tout comme les produits annexes, mordant et solvant...
A cette époque, j'ai passé beaucoup de temps à l'INPI pour retrouver les brevets déposés par Kodak sur ce type de produits, tous tombés dans le domaine public.Grace au service des Brevets de Kodak, à Chalon sur Saône, j'ai pu rencontrer un ingénieur en retraite qui m'a beaucoup aidé dans l'analyse des brevets, et qui surtout m'a confirmé que le stock de produit récupéré chez Kodak n'avait aucune chance d'être renouvellé, car son exploitant ne disposait pas des moyens chimiques nécessaires à cette fabrication.
Et c'est avec l'aide précieuse du laboratoire de chimie organique de la Faculté des Sciences de Reims, sous la forme de stagiaires qui venaient d'obtenir leur maitrise, qu'en quelques années de travail, j'ai pu aboutir à la fabrication à la fois du polymère photosensible et du sensibilisateur dont le nom à lui seul est tout un programme, puisqu'il s'agit du N methyl benzothiazolylidenedithioacetate de methyle .
Pour ce faire, j'avais installé un laboratoire tout à fait convenable dans le sous sol de mon atelier rémois pour une synthèse particulièrement complexe à réaliser, la réaction devant se faire sous un vide de quelques millibars.
Le procédé intéresse toujours quelques fous de technologie, et pendant quelques années, j'ai commercialisé le produit après avoir déposé le 26 février 1997 à mon nom la marque "Cermifax" abandonnée par Kodak.
Ayant cessé mon activité sans successeur, je compte publier l'ensemble du travail réalisé autour de ce produit sur Wikipedia dans les années à venir...afin qu'un autre fou puisse peut-être, un jour, prendre la relève.
Si la synthèse était difficile pour fabriquer le Cermifax, son utilisation ne l'était pas moins, si bien que je n'ai jamais pu abaisser le prix de ces reproductions (voir sur le site) en-dessous de 1000 € le mètre carré, ce qui représentait par exemple une reproduction de carte postale ancienne de 0,80 x 1,20 m. Le plus grand panneau que j'ai fabriqué faisait 4 m² !
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