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Une Tinaja de 4 000 litres. La tinaja, dont les partois sont à peine sèches, est descendue de la fabrique et va partir pour le four. Celle que représente notre gravure a une contenance de 4 000 litres et mesure 4,10 m de hauteur sur 2,60 m de large. |
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Comment la transporter du premier étage où elle est née au four qui est souvent éloigné ? Des ouvriers, dont c'est la seule fonction, le dos recouvert d'une espèce de matelas, la poussent à coups d'épaules, lentement, à reculons. Parfois aussi, ils entourent comme d'un anneau la partie inférieure de l'amphore d'un grand filet en grosse corde ; chacun en saisit un bout, et avec un ensemble impeccable, à la voix d'un chef, ils entraînent la pièce et la mènent jusqu'à la porte du four. Pour remplir un four de trente tinajas qui y cuiront, dix heures sont nécessaires. le four chargé est fermé avec des briques en terre réfractaire qui forment une cloison épaisse de 15 cm et est allumé avec des fagots de bois mince, des sarmentsde vigne dont le pays abonde, des herbes, du thym, du romarin, des branches de pin et de chêne sauvages. La consommation de bois est telle que le pays commence à n'y plus suffire. Si l'on calcule que, pour une seule fournée, il en faut 2500 kg, on obtient 6 250 tonnes pour les 250 fournées de l'année. Il faut avoir recours aux forêts avoisinantes, et depuis dix ans, le prix de cette matière a doublé. La cuisson dure trente heures ; les trente heures écoulées, on commence à ouvrir les conduits supérieurs, et, quatre ou cinq jours après seulement, on vide le four encore chaud et on le charge de nouvelles amphores. Il n'y a presque jamais d'insuccès. A la fin septembre, toutes les fournées sont cuites. Les pièces cuites sont mises dans un magasin ouvert à tous les vents. Souvent même, à cause du manque de place, elles restent autour des fours, sur les places des faubourgs. Elles ne demeurent pas longtemps sans utilité. Hâves, déguenillés, des familles de bohémiens arrivent... L'hiver est venu, amenant avec lui, pluies, neige, gelées et vent. Les pauvres diables ne savent pas où coucher. Ils implorent de la municipalité la permission d'élire domicile dans les tinajas, et la municipalité le leur accorde. Alors, ils s'introduisent par l'ouverture, ils arrangent avec de la paille et des herbes sèches leur chambre à coucher, et le soir, à l'abri du froid, de la bise et de la neige, ils transforment les bouteilles hospitalières en dortoirs... |
Donc on la fait chauffer, et on y jette un mélange de poix et de résine en poudre, el empego, sorte d'enduit qui fond à la chaleur et s'applique en vernis contre la paroi. En meme temps, on pratique un trou dans la partie inférieure pour extraire le vin, au moment venu. Si la tinaja doit renfermer de l'huile, il suffit de l'imbiber d'eau à plusieurs reprises, et cette préparation, qui rend la terre moins poreuse, forme, elle aussi, une couche brillante qui retient l'huile, lors même que l'eau paraît entièrement évaporée. C'est sans doute la nature poreuse de l'argile des jarres qui a donné naissance à ce proverbe espagnol : " La jarre neuve boit toujours avant son maître". De grands chars solides, des carros, emportent les tinajas dans les pays voisins, jusqu'à la mer, et les étrangers qui les voient passer, traînés lentement par deux boeufs qui pique parfois le conducteur en chantant, se demandent tout surpris de quelle époque reculée vient ce vase gigantesque, qui semble avoir été construit par quelque géant et qui, sur le char qui l'emmène, monte aussi haut que les arbres de la forêt...
article paru dans "lectures pour tous" de novembre 1901 |