Pour que la Loire ne mange pas nos captages d'eau douce...

Décidément, la combinaison de google maps et de la promenade fait découvrir bien des choses...
Avec notre épisode cévenol vécu depuis quelques jours,(nous sommes le 16 septembre 2015),  la Loire a repris de la vigueur, jusqu'à pousser dans le port de Roanne une accumulation impressionnantes de lentilles d'eau qui, pendant quelques heures ont bloqué, il y a deux jours, les portes de l' écluse n°1 du canal...Un lâcher d'eau important fait au barrage de Villerest a provoqué ce phénomène...et dès que notre fleuve a de quoi travailler, il travaille, et ronge ses courbes concaves comme nous l'avons vu dernièrement.
Il y a eu au début du XX° siècle un grand désir d'aménager le cours du fleuve devant - déjà- le constat d'abandon, non seulement de son aménagement, mais même de son entretien...
Voyez ce que j'ai trouvé dans la revue "Le Cosmos" du 7 janvier 1899 :
Un triste constat .
La Loire, le plus grand fleuve de France, qui arrose, soit par lui-même, soit par ses affluents, environ la moitié de notre territoire, est actuellement inutilisable pour la navigation.
Son cours est encombré de bancs de sable. Son chenal, excessivement mobile, n'est plus entretenu. La batellerie, si prospère aux siècles précédents et dans la première partie du nôtre, est à peu près morte, tuée par la concurrence des chemins de fer et l'abandon dans lequel on a laissé le fleuve.
Toute la sollicitude des pouvoirs publics, et on peut le dire aussi des assemblées régionales, s'est longtemps portée exclusivement sur les chemins de fer. Il semblait, dans l'engouement - très compréhensible, du reste - qui suivit l'établissement des premières grandes lignes, que celles-ci devaient suffire à tout, et que les transports par eau, si primitifs, si lents, devaient être abandonnés à bref délai, comme un reste de la barbarie des âges antérieurs.
Les Compagnies de chemins de fer, soucieuses avant tout de développer le plus vite possible leur trafic, firent à la batellerie, une guerre à mort à coup de tarifs, sans penser qu'elles allaient tarir une des sources de la prospérité nationale.
Dès 1866, toutes les Compagnies de navigation de la Loire alors existantes avaient été désintéressées par la Compagnie d'Orléans. Les mariniers furent laissés à leur seule influence individuelle, c'est dire qu'ils ne pouvaient rien obtenir, et les pouvoirs publics cessèrent de s'intéresser à la navigation de la Loire.
Les crédits d'entretien, jusqu'alors considérables, allèrent en diminuant, tandis qu'au contraire, vu les exigences du commerce moderne, ils auraient dû aller sans cesse en augmentant.
On peut dire que, depuis 1870, rien n'a été fait en vue, non pas de l'amélioration, mais même de l'entretien de la Loire.
Le batelier assez audacieux pour chercher à exercer son industrie sur ce fleuve ne sait jamais s'il pourra arriver au terme de son voyage.
La situation est la même si, de la batellerie, nous passons au transport des voyageurs.
La Loire est une des premières rivières sur laquelle on appliqua la vapeur à la navigation.
Dès 1838, on voyait le vapeur Inexplosible faire le service des voyageurs entre Nantes et Nevers.
La même année, les Hydrophiles inauguraient un service entre Nantes et Orléans. Ces essais furent tués par le chemin de fer plus promptement encore que la batellerie, et cela se comprend. Car pour les voyageurs, en général, la rapidité prime l'économie. Il y a vingt ans, il subsistait un service de voyageurs entre Nantes et Angers ; il a été abandonné comme les autres.
Actuellement, la Loire est tombée au plus bas degré de l'échelle des voies navigables. Son tonnage kilométrique est devenu dérisoire. Sur la plus grande partie de son parcours, il est vingt fois inférieur à celui des canaux les moins fréquentés, par exemple le canal de Nantes à Brest. ... (pour voir la suite de ce long article présentant les solutions... sans oublier que ceci a été écrit il y a 116 ans !)
Bon, rien n'a été fait depuis, malgré la construction de plusieurs barrages, celui de Grangent près de St Etienne en 1957, à vocation hydroélectrique, puis celui de Villerest en 1984 (voir actualités du 6 août ci-dessous), si ce n'est, tout près d'ici, sur le territoire de la commune voisine, Artaix, une succession d'épis avançant dans le lit du fleuve et limitant l'attaque de la rive gauche sur laquelle se trouve, à peu de distance, l'ensemble des puits de captage de la nappe de la Loire qui alimente tout le secteur en eau potable. On les voit très bien d'en haut.

les épis d'Artaix sur la Loire, péniche d'argile et d'eau, francis dumelié   les épis d'Artaix sur la Loire, péniche d'argile et d'eau, francis dumelié
PK en langage marinier indique un "point kilométrique". La péniche est à 26 km de Roanne, et 30 km de Digoin.

les épis d'Artaix sur la Loire, péniche d'argile et d'eau, francis dumelié

les épis d'Artaix sur la Loire, péniche d'argile et d'eau, francis dumelié     les épis d'Artaix sur la Loire, péniche d'argile et d'eau, francis dumelié

Ces accumulations de blocs sont très efficaces, au point que les petites anses ainsi créées accueillent une coassante population de grenouilles vertes !
Je n'ai pas réussi à déterminer la date de construction de ces obstacles au courant, n'ayant qu'une estimation d'une vingtaine d'années par une voisine, et l'autre de 50 ans...
Disons quelques dizaines d'années, et ce sera bien, jusqu'à plus ample informé, mais compte tenu de l'état de végétalisation de ces constructions, j'opterais bien pour le demi-siècle !...Pour en savoir plus sur la géomorphologie de la Loire (téléchargement d'un document)
Vous y verrez que le soucis actuel des décideurs est de modifier le moins possible les conditions naturelles, alors que la construction des divers barrages a eu des conséquences considérables : arrêt du transport des gros éléments qui finiront par remplir ces barrages, creusement du lit aval de ces édifices, impossibilité aux poissons migrateurs de franchir ces obstacles, etc...

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