poterie sigillée de Lezoux, Hugue Vertet, Francis Dumelié

Lezoux est un centre céramique important du Massif Central, à quelques kilomètres de l'Allier, sur l'axe de circulation Bordeaux-Clermont-Lyon dont l'activité semble aller du I° au IV° siècle, sans qu'une implantation gauloise préalable soit prouvée.

Les ateliers sont établis sur une langue de terrain argilo-sableux, avec eau et bois à profusion, à proximité des grandes voies de communication routières et fluviales qui ont permis une diffusion de la production à l'échelle de l'Empire gallo-romain. Il est possible que l'activité céramique ait continué ensuite, mais à une échelle très réduite, sans rien à voir avec les quantités "industrielles" produites en particulier au II° siècle

poterie sigillée de Lezoux, Hugue Vertet, Francis Dumelié

Lezoux est devenu, pour les archéologues de la période gallo-romaine, un nom générique qui évoque une céramique brillante, rouge, fréquemment décorée et estampillée, dont on attend avant tout une indication chronologique.

Réduire l'intérêt de la céramique sigillée à une chronométrie, c'est agir en archiviste, non en historien ; la terre cuite n'est pas uniquement un fossile directeur, c'est le fruit du travail d'artisans divers, le produit d'une organisation complexe pleine de surprises.

Les dépotoirs attenant aux fours contiennent à la fois des fabrications de série et des pièces plus rares, mais la découverte de restes humains à même les dépotoirs a de quoi surprendre.

C'est ainsi qu'on a trouvé une tombe de bébé en pleine terre, le corps ayant été déposé à même l'argile, et daté du II° siècle. Dans un autre dépotoir de la même époque, on a trouvé un squelette d'adulte, positionné en arc de cercle, sans la moindre trace de clous de cercueil, ni même une trace de fosse rebouchée. Tout se présente comme si l'on avait jeté le corps dans une fosse en cours de remplissage. La stratigraphie montre que l'on a continué à remplir le dépotoir de la même argile salie et des mêmes déchets après que le corps y ait été jeté...

poterie sigillée de Lezoux, Hugue Vertet, Francis Dumelié

à gauche, scène de la vie courante, caractéristique des décors de céramique sigillée

 

à droite, moule d'estampage servant à la fabrication de la sigillée

poterie sigillée de Lezoux, Hugue Vertet, Francis Dumelié
Par ailleurs, on a trouvé à l'écart des ateliers de vraies nécropoles, c'est-à-dire des endroits réservés aux morts, distincts des lieux de travail. Les fouilles de ces lieux ont livré de nombreuses urnes à incinération, des coffres de pierre, des clous de cercueils, des biberons,des miniatures de vases et d'objets usuels.

Il est difficile de tirer des conclusions sur la structure ouvrière des fabriques de Lezoux. Cependant, que penser de ces restes d'enfants et d'adultes à l'intérieur des ateliers eux-mêmes ?

Vraisemblablement des hommes et des femmes naissaients, vivaient, travaillaient, mourraient au milieux des ateliers et des fours. Peu considérés socialement, il leur arrivait de finir au dépotoir avec les ratés de cuisson. Le nombre important d'enfouissements de bébés à toutes les époques fait supposer qu'une grande partie de la main-d'oeuvre était féminine. Même si la mortalité infantile était élevée dans l'antiquité, le nombre des restes d'enfants est anormalement élevé.

Il existait probablement, en même temps qu'une main d'oeuvre misérable, des ouvriers moins déshérités, qui avaient le droit, ainsi que leurs enfants, d'être inhumés dans des nécropoles. Cette constatation nous amène à penser qu'avec la grande expansion des fabriques arvernes au II° siècle, s'est installée une division du travail de plus en plus poussée distinguant fabricants de poinçons, de matrices, de moules, pétrisseurs d'argile, tourneurs, engobeurs, cuiseurs.

Il est possible que la catégorie d'ouvriers qui vivaient dans l'atelier même ait été victime de cette spécialisation du travail qui la condamnait aux tâches les plus ingrates mais qui permettait en même temps aux ateliers arvernes d'accroître leur production.

Ainsi les fouilles d'ateliers de potiers peuvent probablement nous apporter des renseignements inattendus sur l'organisation de la production gallo-romaine et sur son évolution.

Nous admirons l'ingéniosité technique qui a donné naissance à la terre sigillée, célèbre par la finesse de sa pâte, ses décors, ses reliefs inspirés de l'art hellénistique tardif. Le commerce florissant de la céramique a probablement apporté la richesse aux propriétaires des ateliers. Il faut reconnaître le dynamisme des artisans gaulois qui ont su assimiler et perfectionner les techniques romaines, et produire une céramique de qualité qu'ils exportaient dans les provinces les plus lointaines.

L'expansion économique qui a permis d'élever le niveau de vie d'une catégorie d'ouvriers spécialisés a par contre développé chez ceux dont nous trouvons les restes dans les ateliers, des conditions de vie misérables...

poterie sigillée de Lezoux, Hugue Vertet, Francis Dumelié

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